J'ai toujours vécu ici, vous savez – comme la plupart des autres habitants. Ici les gens ne viennent pas s'installer, tous joyeux et guillerets, c'est plutôt le contraire : des familles installées depuis des générations, où tout le monde se connaît. Je pourrais vous parler pendant des heures du petit-cousin de la meilleure amie de la tante à Jules, qui a mortellement vexé l'arrière-neveu de la belle-mère de la nièce par alliance de Marie, en prétendant que son poisson était avarié... C'était il y a quatre ans, et toute l'île s'en souvient encore. On n'a pas grand-chose à faire ici à part commérer sans fin, vous savez ? Surtout les jeunes...

Bien sûr, il y a la petite école et le lycée où on a tous appris à lire. On se souvient tous d'ailleurs : des livres un peu usés qui sentent la poussière et de mademoiselle Livingstone, la directrice – qui sent la poussière aussi. Elle dirige l'école depuis quarante ans et elle connaît tout le monde ici : forcément, elle les a tous vus passer à un moment ou à un autre... Après, si on veut aller plus loin, il faut prendre le bateau et partir pour Seattle. Mais peu d'entre nous font ce choix : d'abord, on n'a pas l'argent nécessaire. Puis surtout, pour devenir pêcheur, ou femme de pêcheur, nul besoin de diplôme ronflant ! La vie ici, c'est tranquille. Et bien évidemment l'endroit le plus vivant de Quincy Harbor, c'est le port. On vit tous pour la pêche et le poisson constitue l'essentiel des sujets de discussion. Les quotas de pêche, le prix du carburant, les frais d'entretien des bateaux, le manque de fiabilité de certains pêcheurs... Et la halle au poisson a toujours du succès le dimanche, au moment de la criée. Je m'ennuie un peu. Je n'aime pas la pêche : je suis allergique au poisson, alors forcément... Puis vous savez, sans accès à Internet ni réseau pour les téléphones portables, on est un peu obligés de se focaliser sur notre petit monde et pas sur l'univers qui nous entoure...

Mais il y a des compensations, vous savez ? J'aime me promener sur les quais au crépuscule. Le coucher du soleil est toujours un moment de glorieuse poésie, quand les derniers rayons semblent embraser les flots de langues de feu magnifiques... J'aime aussi le spectacle des voiliers naviguant au petit matin aux premières lueurs, dans ce moment de silence éternel qui précède les premiers chants des oiseaux. Non, c'est vrai, je n'aime pas la pêche. Mais j'aime Quincy Harbor. C'est ma maison, et y vivre est plaisant... On n'y est jamais seul. Les naissances, les baptêmes, les anniversaires, les fiançailles, les mariages, les naissances à nouveau rythment nos existences, et parfois aussi les enterrements. Mais c'est une joie de les vivre ici, tant notre univers minuscule est réconfortant.

idée originale de dancing queen.
contexte écrit par la sublime zoubi,
toute reproduction est totalement interdite.

BIENVENUE SUR QUINCY HARPOR
Première Intrigue ✩ Guide de Quincy ✩ Bottin d'avatars ✩ Scénarios

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